Scandale FTX : où en est-on ?
Le procès de Sam Bankman-Fried aura lieu le 3 janvier 2023. L’affaire a pris une vaste ampleur, à la fois médiatique, juridique, mais aussi dans le monde des cryptomonnaies. Voilà ce qu’il faut retenir à la veille du procès du fondateur de FTX.
Début novembre 2022, la deuxième plus grande plateforme au monde d’échange de crypto-actifs, a fait faillite. Depuis, Sam Bankman-Fried (SBF), le fondateur de FTX, a été arrêté aux Bahamas et libéré sous caution jusqu’à la date de son procès (le 3 janvier 2023). Le scandale FTX est pourtant loin d’être terminé. Voici tout ce que l’on sait à ce jour.
Les Bahamas veulent conserver les actifs de FTX
La Securities Commission of the Bahamas (SCB) a déclaré jeudi 29 décembre qu’elle comptait conserver temporairement les actifs de FTX. Ces derniers sont estimés à 3,5 milliards de dollars. Les autorités locales estiment qu’il est de leur devoir de les conserver pour dédommager les créanciers de la deuxième plus grande plateforme au monde d’échange de crypto-actifs.
Il y a plusieurs types d’actifs : les biens immobiliers et les actifs numériques. Ces derniers ont été transférés vers des portefeuilles numériques sous le contrôle de la commission en novembre, peu après qu’Alameda Research et des dizaines de sociétés affiliées se soient déclarées en faillite aux États-Unis. Une fois le transfert effectué, les fondateurs de FTX, Sam Bankman-Fried et Gary Wang, ont perdu le contrôle des actifs.
Christina Rolle, directrice générale de la Securities Commission of the Bahamas, a fait une déclaration sous serment déposée auprès de la Cour suprême des Bahamas, pour expliquer que « tous les actifs transférés étaient et resteront jusqu’à nouvel ordre sous le contrôle exclusif de la commission ». Les avocats de FTX s’opposent néanmoins à cette action, affirmant qu’ils « ne font pas confiance au gouvernement des Bahamas ». Selon eux, les autorités locales pourraient « siphonner les actifs de la société en faillite ».
Selon Deborah Kovsky-Apap, une avocate spécialisée dans les faillites qui n’est pas impliquée directement dans cette affaire, « l’ampleur de la saisie des actifs envoie des signaux contradictoires aux clients de FTX ». L’avocate estime que l’action du gouvernement des Bahamas pourrait aggraver la situation entre la procédure de faillite de la société aux États-Unis et la liquidation aux Bahamas.
Même s’il semble très compliqué d’identifier l’origine des actifs, le fait qu’une entité gouvernementale les saisisse et en revendique la propriété, pourrait créer une tension supplémentaire dans cette affaire. En effet, Sam Bankman-Fried, 30 ans, est accusé d’avoir commis une fraude généralisée. Il y a encore quelques semaines, la société FTX était évaluée à près de 32 milliards de dollars.
Comment SBF a-t-il investi l’argent de ses clients ?
SBF a vraisemblablement détourné des fonds de FTX vers son propre fonds spéculatif, Alameda Research, qui a ensuite utilisé cet argent pour des transactions et des prêts risqués. Avec FTX Ventures, SBF a notamment investi dans plusieurs sociétés dont Dave (100 millions de dollars), une société de fintech qui était entrée en Bourse deux mois plus tôt et Mysten Labs (100 millions de dollars également), une société spécialisée dans le Web3.
Si FTX Ventures a effectué des dizaines de transactions, les investissements de Mysten Labs et de Dave ont été les deux seuls rendus publics. En réalité, 5,2 milliards de dollars ont été placés sur de nombreuses sociétés. Ni Mysten Labs ni Dave n’ont été liés à des actes répréhensibles présumés au sein de l’empire de Bankman-Fried. Mais les investissements semblent être les premiers exemples identifiés d’utilisation de l’argent des clients par FTX et SBF.
En liant explicitement les deux investissements de 100 millions de dollars à l’argent des clients de FTX, la Securities and Exchange Commission a émis la possibilité d’un remboursement. Si les éléments du dossier peuvent établir que l’argent des clients a bel et bien permis de financer les investissements de Bankman-Fried, les clients pourraient récupérer leurs actifs. En partie du moins. Jason Wilk, PDG de Dave, a déclaré que l’investissement de FTX serait remboursé, avec les intérêts, d’ici 2026.
L’homme précise que personne au sein de Dave n’avait « connaissance de l’utilisation par FTX ou Alameda des actifs des clients pour réaliser des investissements ». L’investissement de Bankman-Fried dans Mysten Labs était une prise de participation. Mysten étant une société privée, il n’y a pas de procédure clairement définie dans le code des faillites américain pour récupérer les fonds. La société n’a pas souhaité faire de commentaire.
546 millions de dollars ont été placés sur Robinhood Markets
Selon plusieurs déclarations, Sam Bankman-Fried et Gary Wang auraient emprunté plus de 546 millions de dollars à Alameda Research pour acheter une participation de 8 % dans Robinhood Markets. Cette participation n’est pas anodine. En effet, elle est aujourd’hui au centre d’une lutte de propriété qui se joue à Antigua, au New Jersey et au Delaware. FTX et le prêteur BlockFi tentent d’établir leurs droits sur les actions
BlockFi poursuit Emergent Fidelity Technologies, la société qui détient les actions de Robinhood, pour la mainmise sur ces titres. L’entreprise affirme qu’ils garantissent un prêt accordé à Alameda. Les avocats de FTX ont déclaré que l’ancienne directrice générale d’Alameda, Caroline Ellison, avait promis les actions à BlockFi juste avant la faillite de FTX. En réalité, l’emprunt d’Alameda à FTX est au cœur de l’affaire de fraude contre Bankman-Fried qui se déroule devant le tribunal fédéral de Manhattan.
Alameda Research a acheté 56 millions d’actions chez Robinhood Markets. Ce sera l’une des nombreuses batailles auxquelles Bankman-Fried sera confronté devant les juges. Ellison, qui a plaidé coupable, dans le cadre d’un accord avec les procureurs fédéraux, a signé le prêt à Bankman-Fried et Wang, selon les documents judiciaires. De son côté, Wang s’est retourné contre Bankman-Fried et a aussi conclu un accord avec les procureurs.
Le prêteur de crypto BlockFi, qui, comme FTX, a déposé son bilan, a affirmé dans un document judiciaire que les droits sur les actions Robinhood Markets lui étaient dus en raison d’un accord conclu avec Bankman-Fried début novembre.
Sam Bankman-Fried pourrait plaider non-coupable
Selon des personnes proches du dossier, Sam Bankman-Fried pourrait plaider non-coupable aux accusations de fraude. Au début du mois de décembre, le bureau du procureur américain du district Sud de New York a accusé SBF d’avoir eu un « comportement criminel qui a contribué à l’effondrement de la bourse de crypto-actifs », alléguant qu’il a supervisé l’une des plus grandes fraudes financières de l’histoire américaine.
D’après le Wall Street Journal, le 3 janvier 2023, Sam Bankman-Fried devrait se présenter en personne à New York pour plaider sa cause. Avant son arrestation, SBF a imputé la perte des fonds des clients à une tenue des comptes bâclée et à un problème de compte bancaire qui a permis à Alameda Research, une société de trading affiliée, de couvrir d’importantes pertes avec de l’argent destiné à FTX. Son plaidoyer de non-culpabilité était donc largement attendu.
Si tel est le cas, Sam Bankman-Fried se trouverait en désaccord avec ses associés, Caroline Ellison, l’ancienne directrice générale d’Alameda Research, et Gary Wang, l’ancien CTO de FTX, qui ont tous deux plaidé coupables d’infractions pénales similaires à celles dont SBF est accusé. Les deux anciens lieutenants de Bankman-Fried coopèrent activement avec les enquêteurs fédéraux
Les procureurs affirment que de 2019 à novembre 2022, Sam Bankman-Fried a conspiré pour escroquer les clients de FTX. Selon l’acte d’accusation du bureau du procureur des États-Unis, il aurait « fourni des informations fausses et trompeuses aux prêteurs sur la situation financière d’Alameda ». Il est aussi accusé d’avoir fraudé la Commission électorale fédérale à partir de 2020 en conspirant avec d’autres personnes pour verser des contributions illégales à des candidats et à des comités politiques.
SBF et ses associés ont contribué à hauteur de plus de 70 millions de dollars à des campagnes électorales au cours des dernières années. Il a personnellement fait don de 40 millions de dollars en prévision des élections de mi-mandat de 2022. Vendredi 30 décembre, l’ancien patron de FTX est revenu sur Twitter pour la première fois depuis le 12 décembre afin de mettre en place sa défense.
FTX a été victime d’une cyberattaque
Parallèlement à cette affaire, déjà considérée par les observateurs comme étant « la plus grande chute dans le monde des cryptomonnaies » et comparée avec la faillite de 2001 du courtier en électricité Enron, ou celle en 2008 de Lehman Brothers, les procureurs enquêtent sur une possible cyberattaque. En effet, FTX aurait été victime d’une cyberattaque quelques heures seulement après son dépôt de bilan. Le ministère de la Justice a lancé une enquête criminelle sur les actifs volés. Une enquête distincte de l’affaire de fraude dans laquelle le co-fondateur de FTX est impliqué.
Pour le moment, on ignore si cette faille a été exploitée par une personne interne à l’entreprise, comme Bankman-Fried l’a suggéré dans des interviews avant son arrestation, ou l’œuvre d’un pirate informatique opportuniste désireux d’exploiter les vulnérabilités d’une entreprise en difficulté. Le montant siphonné par le hacker en question s’élèverait environ à 372 millions de dollars. Les autorités ont réussi à geler les fonds sur certaines plateformes parce que ces dernières ont coopéré avec les forces de l’ordre, mais ce ne fut pas toujours le cas, notamment avec les bourses offshore.
Le cybercriminel est passible d’une peine maximale de 10 ans de prison. Même si le montant volé est nettement inférieur aux milliards de dollars que Bankman-Fried est accusé d’avoir détournés alors qu’il était à la tête de FTX. L’enquête est menée par la National Cryptocurrency Enforcement Team du ministère de la Justice, un réseau de procureurs spécialisés dans les enquêtes sur les actifs numériques. L’équipe travaille avec les procureurs fédéraux de Manhattan chargés de la vaste enquête criminelle qui a conduit à l’arrestation de Bankman-Fried.
Le 20 novembre, Chainalysis, une société spécialisée dans la cybersécurité, a indiqué sur Twitter que les fonds volés étaient « en mouvement » et qu’ils avaient été transférés de l’Ether au Bictoin. Les experts avertissent les bourses d’échange de rester vigilantes au cas où le pirate tenterait d’encaisser les fonds. Selon ZachXBT, un utilisateur de Twitter qui suit les piratages crypto, « certains des fonds ont également été déposés dans un mixer, qui mélange différents types de crypto-monnaies afin de masquer leurs origines ».
Source : siecledigital.fr