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Le secret bancaire est-il une histoire juive ?

La genèse du secret bancaire suisse : démystification d’une légende

Dans les années 1930, une croyance persistante voulait que le secret bancaire suisse ait été renforcé pour protéger les victimes du national-socialisme. Cependant, une récente étude approfondie menée par l’historien bernois Peter Hug démontre que cette histoire est un mythe façonné dans les années 1960 à des fins de relations publiques, principalement pour le public américain.

L’idée selon laquelle la place financière suisse aurait consolidé le secret bancaire pendant le national-socialisme pour sauvegarder les avoirs des juifs persécutés par les nazis a persisté pendant des décennies. Les documents d’archives, cependant, révèlent une réalité différente, montrant que cette histoire est une invention apparue pour la première fois dans le Bulletin du Crédit Suisse en 1966.

Le Crédit Suisse a joué un rôle central dans la promotion de cette légende, arguant que le renforcement du secret bancaire en 1934 était une réaction à l’espionnage intensif sur les avoirs juifs. Cette version a été largement reprise par les médias spécialisés et même par certains détracteurs du secret bancaire, contribuant à renforcer la perception de la place financière suisse à l’échelle internationale.

Les nouvelles découvertes démontrent que cette histoire était une campagne de relations publiques, visant principalement le public américain. En 1968, lors de la présentation d’un projet de loi américain contre le secret bancaire suisse, l’argument selon lequel les lois actuelles sur le secret bancaire étaient une réponse aux opérations de la Gestapo a été utilisé. Cela a eu un impact significatif, notamment avec le procureur new-yorkais Robert M. Morgenthau, un critique virulent des banques suisses.

Cependant, pour comprendre les origines réelles du renforcement du secret bancaire, il faut remonter aux années 1930. La Banque commerciale de Bâle a été au centre d’un scandale de fraude fiscale en France en 1932, mettant en danger la réputation de la place financière suisse. Face à cette menace, les banques suisses ont exhorté les autorités à introduire des lois plus strictes pour protéger le secret bancaire, ce qui a été réalisé en 1934.

Ce renforcement du secret bancaire a eu un impact significatif. Les nouvelles lois ont contribué au regain de confiance dans la place financière suisse et ont été un facteur clé dans l’augmentation substantielle des capitaux gérés par les banques du pays au cours des trois années suivantes. Ironiquement, cette période a vu émerger une terminologie telle que le «capital vagabond» des «tziganes fugitifs du capital», soulignant l’afflux de capitaux vers la Suisse en raison de son secret bancaire renforcé.

Ainsi, les nouvelles découvertes révèlent que la légende du renforcement du secret bancaire pour protéger les juifs persécutés était une fabrication des années 1960, visant à consolider l’image du secret bancaire suisse à l’étranger, en particulier aux États-Unis. La réalité des années 1930 montre que c’était une réponse commerciale et économique aux défis auxquels était confrontée la place financière suisse. Cette démystification jette une lumière nouvelle sur l’histoire complexe du secret bancaire suisse, soulignant les motivations économiques qui ont conduit à son renforcement et éclipsant le mythe inventé dans les années 1960.

David Lévy

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