Antisémitisme et Alyah : Une cartographie politique bouleversée en France
Un récent sondage réalisé par Ipsos pour le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) met en lumière une transformation majeure dans les perceptions et les attitudes antisémites en France. Intitulée « Le regard des Français sur l’antisémitisme et la situation des Français juifs – 2024 », cette étude révèle des chiffres inquiétants et un bouleversement inédit dans la répartition politique des préjugés antijuifs.
Selon l’étude, les actes antisémites en France ont explosé, enregistrant une augmentation de 192 % au premier semestre 2024. Cette recrudescence s’inscrit dans un contexte où la haine envers les Juifs continue de se propager, notamment via les réseaux sociaux. Mais le plus marquant reste l’évolution des opinions politiques associées à ces préjugés.
Pour la première fois, les sympathisants de La France Insoumise (LFI) affichent un niveau d’adhésion aux stéréotypes antisémites supérieur à celui des partisans du Rassemblement National (RN). Avec 55 % d’approbation des préjugés antijuifs contre 52 % pour le RN, LFI redéfinit les lignes de fracture politique autour de l’antisémitisme. Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos, parle d’un « retournement historique ».
Cette tendance est aggravée par une posture ambiguë des sympathisants LFI vis-à-vis du Hamas : 40 % refusent de qualifier le groupe d’organisation terroriste, et 20 % d’entre eux expriment même le souhait de voir les Juifs quitter la France.
Le phénomène ne se limite pas aux cercles militants. L’antisémitisme gagne également du terrain auprès des jeunes. Seuls 53 % des 19-24 ans jugent aujourd’hui que les Juifs sont bien intégrés dans la société française. Ces résultats témoignent d’un climat inquiétant où les discours antisémites trouvent un écho croissant dans les générations les plus connectées.
Face à cette situation, le gouvernement affirme prendre la mesure de l’urgence. Un grand plan national de lutte contre l’antisémitisme est en préparation pour 2025, visant à renforcer la cohésion nationale et à répondre aux nouveaux défis posés par la haine en ligne.
Pour Yonathan Arfi, président du CRIF, cette crise va au-delà des statistiques : « LFI a redonné à l’antisémitisme une caution politique », déclare-t-il, soulignant la nécessité d’une réponse collective et ferme.
Dans ce climat de tensions, le désir d’émigration vers Israël (Alyah) gagne du terrain chez certains membres de la communauté juive, alimenté par un sentiment croissant d’insécurité. Les prochaines années seront décisives pour déterminer si la France parviendra à endiguer ce fléau ou si une partie de ses citoyens juifs choisira de tourner définitivement la page.
Les résultats de ce sondage, aussi alarmants soient-ils, n’ont finalement rien de surprenant. Ils ne font qu’illustrer une réalité que beaucoup refusent encore de reconnaître, malgré des décennies de signaux clairs. Lorsque l’histoire de la Shoah ne peut plus être enseignée dans nos écoles sans susciter des tensions, lorsque les enfants juifs doivent quitter l’enseignement public pour être scolarisés en sécurité, lorsque l’accès à l’université devient un défi de plus pour eux, peut-on vraiment s’étonner des conclusions d’une telle enquête ?
Comment être surpris quand des figures politiques, dont les discours centrés sur Israël et Gaza flirtent dangereusement avec la haine, accèdent au pouvoir dès le premier tour ? Ce contexte nourrit un climat où l’antisémitisme devient de plus en plus visible, voire banalisé.
Quant aux autorités, elles semblent dépassées depuis longtemps. Malgré des plans et des déclarations d’intention, elles n’ont jamais réussi à renverser cette tendance. Désormais, la possibilité d’agir efficacement semble s’éloigner, laissant présager une aggravation de l’antisémitisme en France dans les années à venir.
Ce sondage, finalement, ne nous apprend rien de nouveau. Mais il offre un rappel tangible, une pièce à conviction destinée à ceux qui persistent à détourner les yeux. Il est grand temps de regarder la vérité en face.
Déborah Tolédano