Hébron : Vers une Redéfinition du Statu Quo au Tombeau des Patriarches ?
Hébron, Cisjordanie – Le week-end dernier, des dizaines de milliers de fidèles juifs ont convergé vers le Tombeau des Patriarches pour un pèlerinage annuel, marquant le Shabbat « Hayei Sarah », en mémoire de l’achat du site par Abraham pour y enterrer Sarah. Ce lieu emblématique, partagé entre juifs et musulmans, suscite de vifs débats politiques et religieux sur la gestion de ses espaces de prière.
Les ruelles et places de Kiryat Arba et de l’enclave juive d’Hébron ont été submergées par les pèlerins, venus parfois de très loin. Des campements de fortune ont vu le jour dans les écoles, synagogues et même sur les balcons des habitants, comme le raconte Israel Bramson, maire de Kiryat Arba : « Dix jeunes ont dormi sur mon balcon, enveloppés dans des sacs de couchage malgré le froid. »
La visite de plusieurs ministres, dont Itamar Ben Gvir, Orit Strouk et Bezalel Smotrich, a ravivé les discussions autour du statut du site. Le Tombeau des Patriarches, également connu sous le nom de Mosquée Ibrahimi pour les musulmans, est aujourd’hui géré selon des règles établies en 1994 après un massacre tragique. Depuis lors, les espaces sont divisés, avec des horaires précis pour les fidèles des deux religions.
Cependant, la droite israélienne juge cette situation « absurde ». Certains ministres et députés, comme Avichai Boaron, plaident pour une « nationalisation » complète du site, le comparant au Mur Occidental à Jérusalem. Ils espèrent profiter du contexte international, notamment de l’élection de Donald Trump et de sa politique pro-israélienne, pour faire avancer leur projet.
Le député Zvi Sukkot, favorable à une reprise totale du site par Israël, dénonce l’actuelle répartition : « Pourquoi les juifs doivent-ils prier dehors tandis que les musulmans sont à l’abri ? » Selon lui, l’ouverture du site à toute heure pour les fidèles juifs est une nécessité. De son côté, Boaron envisage une transformation complète du lieu en un espace de prière moderne.
Toute modification du statu quo risque de provoquer des tensions avec les Palestiniens, d’autant que le Tombeau des Patriarches est sous contrôle du Waqf islamique. Si certains responsables comme Noam Arnon jugent les changements difficiles à réaliser, ils estiment néanmoins qu’il est temps d’agir. « Nous devons réduire l’influence des Arabes sur la gestion du site », affirme-t-il.
Malgré l’enthousiasme des politiciens de droite, les perspectives de transformation du site restent floues. La situation complexe de Hébron, marquée par des décennies de conflits, ne permet pas de changements rapides. Cependant, la volonté de redéfinir les règles actuelles témoigne d’une dynamique nouvelle qui pourrait redessiner les contours de ce lieu sacré.
Le Tombeau des Patriarches demeure ainsi un symbole des défis religieux, politiques et sociaux d’Israël, entre aspirations à la souveraineté et nécessité de préserver un fragile équilibre.
David Lévy